On ouvre le débat sur la rémunération de l’ancienneté.
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Un temps d'avance #1 par Thibault Vilon | 25 avril 2025 | Temps de lecture : 5 min

Un temps d'avance #2 par Thibault Vilon

23 mai 2025

Temps de lecture : 5 min

La rémunération de l’ancienneté est-elle un frein à l’équité salariale ?

Je me permets d’ouvrir ce débat, qui peut s’avérer brûlant, voire conflictuel. Mais plus un sujet divise, plus il me semble nécessaire de le poser clairement et de le questionner collectivement.

 

La rémunération de l’ancienneté est une pratique répandue, qui repose sur une promesse simple : plus je reste, plus je gagne. 

 

Sauf que les évolutions récentes du monde du travail bousculent cette logique. Les nouvelles générations de salariés ne sont plus attirées par une promesse de stabilité, mais davantage par une quête de sens, d’impact et de reconnaissance. En parallèle, les entreprises renforcent leurs exigences de performance et d’efficience budgétaire. 

 

Alors, quelle place donner à l’ancienneté dans les politiques de rémunération des années à venir ?

 

Ce que l’ancienneté représente (et qu’il ne faut pas balayer trop vite)

L’ancienneté, ce n’est pas simplement du temps passé. C’est de l’expérience, une connaissance fine de l’organisation, des erreurs déjà faites (et corrigées), des réflexes, une capacité à transmettre, à stabiliser. C’est aussi une culture d’entreprise intégrée, incarnée, portée au fil des années.

 

Il y a de la valeur derrière tout cela. Et c’est précisément pourquoi l’ancienneté a été historiquement intégrée dans les systèmes de rémunération, notamment en France. Une manière de reconnaître l’engagement dans la durée, la fidélité, l’enracinement.

 

Mais est-ce que cette ancienneté, seule, suffit à justifier une progression salariale ? Garantit-elle un impact supérieur ? Ne risque-t-elle pas, à l’heure de la transparence salariale, de fragiliser la paix sociale si elle est perçue comme déconnectée de la contribution réelle ? Ce sont des questions complexes, qui méritent qu’on s’y penche avec sérieux, sans chercher à trancher trop vite.

 

Un décalage qui crée des tensions internes

De plus en plus de RH constatent un écart entre la rémunération de certains profils anciens et leur niveau d’implication ou de compétence réelle (ce n’est ni une critique, ni une orientation du débat, mais un constat). Et bientôt, ce constat ne sera plus réservé aux RH : la mise en œuvre de la transparence salariale en 2026 rendra visible ces écarts pour l’ensemble des collaborateurs.

 

Dans le même temps, des profils plus jeunes, souvent moteurs, créateurs de valeur, attendent une reconnaissance à la hauteur de leur contribution. Et quand ils ne l’obtiennent pas, ils partent. C’est d’autant plus problématique quand ce sont justement ces profils-là qui avaient le potentiel de devenir les futurs piliers de l’organisation.

 

"60 % des jeunes salariés envisagent de quitter leur entreprise d'ici à cinq ans. Cette tendance est principalement motivée par une désillusion concernant les conditions de travail, les perspectives d'évolution et le niveau de rémunération." Institut Montaigne, Mai 20251.

 

C’est ce que j’appelle une fracture d’équité perçue. Elle ne découle pas nécessairement d’une mauvaise politique RH, mais d’un système hérité, qui mérite aujourd’hui d’être réinterrogé.

 

Ancienneté : une spécificité culturelle

Ce modèle est loin d’être universel. En France, comme en Allemagne ou au Japon, la rémunération liée à l’ancienneté est profondément ancrée. Elle s’inscrit dans une vision sociale du travail fondée sur la stabilité et la loyauté. On estime à 70% le pourcentage des entreprises françaises offrant une prime à l'ancienneté.

 

Au Japon, le 年功序列 [nenkō joretsu]2 (système de progression basé sur l’ancienneté) est encore largement appliqué dans les grandes entreprises. En Allemagne, le système de cogestion (Mitbestimmung) favorise également des carrières longues, avec des grilles salariales évolutives dans le temps.

 

À l’inverse, dans les pays anglo-saxons, la rémunération est davantage corrélée à la performance individuelle. L'ancienneté a peu de poids. Ce qui compte, c’est la contribution immédiate et mesurable. Cela s’accompagne d’une culture de la mobilité bien plus forte, avec des carrières souvent moins linéaires.

 

Et maintenant, on fait quoi ?

Il ne s’agit pas de choisir entre deux modèles. L’ancienneté n’est pas un problème en soi. Mais elle ne peut plus être pensée comme une logique automatique, ni comme un droit acquis indiscutable. Ce que nous devons interroger, c’est le type de disparité salariale que nous acceptons dans nos organisations, au regard de ce critère.

 

Quelles pistes, alors ?

 

Certaines entreprises choisissent de plafonner l’effet de l’ancienneté. D’autres la convertissent en bonus différé ou en reconnaissance symbolique. D’autres encore ne prennent en compte que l’ancienneté dans le poste actuellement occupé. Par ailleurs, certaines filières ont déjà des règles imposées via les conventions collectives.

 

Conclusion : Ce qui importe, c’est la cohérence. 

Être en capacité de dire à chaque collaborateur : voilà pourquoi tu gagnes ce que tu gagnes, voilà ce qui fait évoluer ta rémunération, voilà ce qui est valorisé dans notre modèle.

 

Ce débat est sain. Il mérite d’être posé clairement.

 

Parce qu’au fond, ce qui est en jeu ici, c’est notre capacité à reconnaître ceux qui créent de la valeur aujourd’hui, sans oublier ceux qui l’ont fait hier. C’est une question d’équilibre, de lisibilité et de justice.

 

Et c’est aussi, très concrètement, ce qui conditionne notre capacité à fidéliser demain. J’aurai d’ailleurs l’occasion de décrypter ce sujet clé lors de l’événement #24heuresRH, consacré au Future of Work, aux côtés de Cécile Plessis, CEO de HR4Team.

 

J’en profite pour vous pousser également notre nouveau guide sur la rémunération, un outil précieux pour mieux comprendre et ajuster vos politiques de rémunération.

 

Vos retours sont les bienvenus, n’hésitez pas à m'en faire part par email à untempsdavance@elevo.io

 

Au plaisir de vous y retrouver et à très bientôt dans le prochain numéro d’Un temps d’avance.

 

https://www.institutmontaigne.org/1; https://fr.wikipedia.org/2

📚 Découvrez notre nouveau guide sur la rémunération

Un regard éclairé sur les tendances de rémunération 2025 et des clés pour construire une politique salariale équitable.

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